Pestiscides SDHi : des pertrubateurs mitochondriaux à potentiel carcinogène ?

Sylvie Bortoli est chercheuse en toxicologie mécanistique dans le laboratoire HEALTHFEX - INSERM UMRS 1124 d’Université Paris Cité dirigé par Xavier Coumoul. Dans l’équipe METATOX, elle coordonne plusieurs projets visant à caractériser l’impact d'une exposition alimentaire à des contaminants environnementaux sur la santé humaine. Elle s'intéresse notamment aux mécanismes de toxicité qui altèrent le fonctionnement des mitochondries et l'homéostasie métabolique, en lien avec la progression tumorale. Elle a participé à l’expertise collective INSERM « Pesticides et Santé » pour le chapitre sur les fongicides SDHi et elle est membre du comité de pilotage “Cancer et Environnement” de la Ligue Nationale contre le Cancer et du conseil scientifique de la Société Française de Nutrition.

Résumé de la présentation : Les fongicides de la famille des inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHi) sont largement utilisés pour limiter la prolifération de champignons responsables de l’altération des rendements agricoles, et leur présence dans les denrées alimentaires induit une exposition chronique de la population. Le mode d’action des SDHi repose sur l’inhibition de la succinate déshydrogénase (SDH), un complexe enzymatique mitochondrial très conservé qui joue un rôle majeur dans le maintien de l’homéostasie énergétique. Les gènes codant la SDH sont des gènes suppresseurs de tumeurs, et leur inactivation génétique est associée à une prédisposition au développement de certains cancers chez l'humain. Les mécanismes impliqués dans l'acquisition du phénotype cancéreux et l'agressivité tumorale incluent l’accumulation d'un oncométabolite (le succinate), la mise en place d'une pseudohypoxie, un remodelage métabolique et épigénétique, un stress oxydant et une augmentation des capacités de migration et d’invasion des cellules. 
L’absence de spécificité des SDHi vis-à-vis de la SDH des champignons soulève la question de leur toxicité potentielle pour les organismes non cibles, dont l’humain. Les rapports d’évaluation réglementaire indiquent que la plupart des SDHi induisent des tumeurs chez l’animal, sans preuve de génotoxicité. Ainsi pour ces substances, les mécanismes de cancérogénicité ne sont, à ce jour, pas clairement établis.
Que sait-on aujourd'hui des conséquences d'une exposition aux pesticides SDHi sur la santé humaine? L'inactivation chimique de la SDH par les SDHi est-elle susceptible de reproduire certains mécanismes moléculaires et cellulaires mis en jeu dans le développement de tumeurs chez les sujets génétiquement déficients en SDH? Peut-on identifier des populations particulièrement sensibles à une exposition aux SDHi?
Cette présentation discutera de la problématique de ces pesticides toxiques pour la mitochondrie, des limites des évaluations réglementaires et de nos travaux récents sur l'exploration des mécanismes de toxicité des SDHi.